Réhabiter de bas en haut

Comment réinventer des usages pour remédier à la dégradation du patrimoine ?

Rougemont est une commune du Doubs, à la frontière de la Haute-Saône, qui fait partie de la communauté de communes des Deux Vallées Vertes. Rougemont bénéficie d’un cadre verdoyant, propice aux activités de plein air.

En 2021, la population de ce milieu rural s’élevait à 1 021 habitants.

Des traces d’activité humaine remontent au Paléolithique moyen. On y a également retrouvé des sépultures gallo-romaines et mérovingiennes. Cependant, l’histoire de Rougemont est surtout marquée par la construction d’un château féodal au IXe siècle. Bien qu’il n’en reste plus de vestiges, ce château fut pendant plusieurs siècles l’un des sites fortifiés majeurs de Franche-Comté. Il dominait et protégeait la cluse. Ses fortifications se sont peu à peu effacées mais des portions subsistent, celles notamment où les habitations se sont adossées.

Le village s’est développé au pied de ce promontoire. Avec l’arrivée du chemin de fer, l’activité commerciale a été stimulée. L’agriculture, la viticulture et l’élevage, encore visibles sur certaines façades datées, ont longtemps marqué l’économie locale.

Les Rubrimontains et les habitants des villages voisins disposent au quotidien de nombreux commerces et services essentiels ainsi que de professionnels libéraux et artisans. Le quartier de la Citadelle abrite également des équipements et foyers médicaux. Les enfants sont scolarisés localement, de la maternelle au collège, avec pour le primaire une cantine bio et locale. Un riche tissu associatif contribue à la qualité de vie. Chaque année depuis 1980, la commune vibre au rythme de la Grande fouille, une brocante réputée comme la plus importante de l’Est de la France.

Le patrimoine bâti comme ressource

Labellisée Petite cité comtoise de caractère, la commune bénéficie d’un SAUC Schéma d’aménagement urbain de caractère qui a permis la réfection de la place de la Mairie. Un périmètre délimité des abords autour de la croix de mission du XVIe siècle, classée Monument historique, est également en création.
En 2024, Rougemont entreprend avec l’aide du CAUE du Doubs une réflexion urbaine, paysagère, architecturale et patrimoniale sur un îlot bâti du centre ancien enclavé entre deux voies de circulation – la rue Basse et la Grande Rue.

Parfois à l’abandon, le bâti vacant du centre ancien et les espaces publics délaissés ou réduits à la circulation routière doivent aujourd’hui porter d’autres usages, indispensables à l’homme et à une biodiversité préservée.

En effet, Rougemont voit son patrimoine et son centre historique s’abîmer et se déprécier, faute de réhabilitations ou de mises en valeur suffisantes du bâti ancien. La vacance est importante dans le bâti qui borde les rues principales. Là, le petit patrimoine se dégrade par manque d’usages réinventés.

Dans une approche environnementale forte et en s’appuyant sur l’étude rendue par le CAUE du Doubs, les résidents auront à travailler concomitamment avec les habitantes et les habitants au sens large – citoyens ou de passage, petits et grands, actrices et acteurs locaux, élus et agents des collectivités locales et des institutions, habitants de la commune de Rougemont et de la communauté de commune des Deux vallées vertes pour réfléchir à l’attractivité du cœur historique de la cité.
Alors que le centre historique de Rougemont connaît un important taux d’inoccupation du fait de la vétusté des logements, d’un trafic routier dense sur des voies peu larges, générant ainsi des nuisances sonores et un manque de sécurité pour les autres usagers (piétons, cyclistes et animaux)…

• Comment réinventer des usages pour remédier à la dégradation du patrimoine ?
• Comment interpeller les habitant.e.s sur le devenir du centre ancien ?
• Quelles seraient les réponses adaptées aux enjeux du réchauffement climatique ?
• Comment construire ensemble une vision du futur dans une cité de caractère, aux qualités patrimoniales indéniables (trame urbaine, trame viaire, architecture de vignobles) et où les ressources locales, naturelles, ont toujours été un moteur économique de développement ?
• Comment composer, construire, avec les contraintes ?
• Que peuvent-être les freins : le coût des rénovations, le transit des camions, le manque d’espaces privés extérieurs et d’espaces publics hors voirie, ou d’autres encore ?

LES LAURÉATES

Lorène Tournier, diplômée architecte DE-HMONP, et Clémence Chevalier, vidéaste, forment un duo complémentaire et transversal, alliant architecture et cinéma pour questionner l’évolution du patrimoine et des usages.

Lorène développe une approche sensible du déjà-là, où le projet et le patrimoine dialoguent. Son année à Rome l’a confrontée à la superposition du bâti et aux potentialités de la réinterprétation architecturale. Convaincue que le projet est un outil politique de réappropriation, elle s’attache à recréer du lien social et à valoriser le cadre bâti.

Clémence, après une première expérience dans l’enseignement, se spécialise en post-production et explore l’esthétique cinématographique comme moyen de transmission. Son regard sensible capte les ambiances et révèle la poésie des lieux à travers l’image en mouvement.

Ensemble, elles proposent une lecture contextuelle et prospective du centre historique, croisant architecture et vidéo pour en révéler les potentialités et en offrir une redécouverte immersive à partir d’un travail à plusieurs échelles : celle du territoire de Rougemont à travers la question de la mobilité et des déplacements, celle du centre ancien à travers une lecture globale de la morphologie du bourg, des circulations, des rez-de-chaussée inoccupés, pour identifier des leviers d’activation concrète du bâti existant, et celle de l’îlot entre la rue Basse et la Grande Rue comme terrain d’expérimentation privilégié, permettant de tester, documenter et mettre en débat des propositions plus concrètes.
Leur démarche mêle enquête sensible, narration collective et expérimentation urbaine. Elle s’organise en trois temps d’action, inspirés de la démarche de Gilles Clément pour le jardinier planétaire.

Habiter, raconter, activer : une approche située

Faire récit du territoire
Temps 0 – Récolter
Un premier temps d’immersion et d’observation, pour récolter les données sensibles comme les réalités concrètes du territoire. Photographies, relevés, arpentages, entretiens avec les habitants et les élus nourriront une cartographie collective des usages et des ambiances. Cette phase permettra d’identifier les dysfonctionnements et de révéler les potentiels d’usages sous-exploités, en interrogeant collectivement : que signifie habiter la ruralité aujourd’hui ? révélant les pratiques existantes – formelles ou informelles – de Rougemont.

Temps 1 – Semer
Ce second temps sera dédié à la rencontre, à la mémoire partagée et à la co-construction des visions. À travers des ateliers participatifs, elles proposeront aux habitants d’apporter leurs archives personnelles, photographies, anecdotes, pour nourrir une carte sensible et évolutive de Rougemont. Cette base commune servira de socle à une série d’atelier croisant photographie et écriture, à la manière d’Annie Ernaux ou de la série Bref. Les habitants, en petits groupes, seront invités à prendre des photographies des lieux vacants, puis à imaginer leurs histoires passées et futures. Des restitutions intermédiaires (affichage public, expositions légères, vidéos courtes type « vlogs ») nourriront une dynamique de dialogue continu. Les enfants seront invités à dessiner leurs souvenirs d’habitat, les anciens à partager les leurs. Ces récits croisés mettront en lumière les continuités, les évolutions et les aspirations. Enfin, nous mènerons des ateliers avec des publics variés, y compris des personnes en situation de handicap ou des scolaires, pour faire émerger des récits pluriels et inclusifs.

Temps 2 – Bourgeonner
Le dernier temps sera consacré à l’expérimentation dans l’espace public, sous la forme d’action ponctuelles, festives ou poétiques.
Nous activerons certains lieux vacants par des projections, des installations ou des marquages au sol, révélant les potentiels d’usage imaginés en amont. Une balade sonore inspirée du film Amélie Poulain, où un enregistrement guide le promeneur dans le bourg en l’invitant à porter un regard neuf sur les lieux traversés, pourra être proposée.

Résultat, attendu et restitution
Le projet donnera lieu à une restitution qui prolongera la démarche en lui donnant une forme publique, collective et partagée, articulée autour de plusieurs formes complémentaires :
• Une exposition immersive dans l’un des bâtiments vacants repérés lors de la résidence, mêlera projections, installations, ambiances sonores et cartographies sensibles. En l’investissant nous souhaitons suggérer des usages possibles et en faire un véritable cas d’étude habité.
• Un film documentaire alternant séquences poétiques, témoignages d’habitants et captations des ateliers, diffusé lors de projections publiques suivies de débats.
• Des moments d’échanges : table ronde citoyenne, café-débat, traversée commentée du centre ancien.
• Une publication graphique sous forme de carnet de résidence, associant dessins, récits, cartographies, photographies et textes produits collectivement, pour prolonger la réflexion au-delà de la résidence.
Lors de l’exposition finale, la bâtisse repérée deviendra le théâtre de « Habiter, raconter, activer », une restitution immersive et partagée, issue de la résidence « Réhabiter de bas en haut ».
En croisant récit, expérimentation et activation, cette exposition souhaite ouvrir des imaginaires de transformation pour les lieux aujourd’hui vacants ou sous exploités. Elle propose une troisième voie entre abandon et restauration muséale : une mise en mouvement respectueuse, créative, collective et capable d’accueillir des usages contemporains – intergénérationnels, partagées, mobiles ou festifs.

Une manière de réconcilier le patrimoine bâti avec le désir d’habiter, et d’esquisser un centre-bourg vivant, accueillant et réinventé par ses usagers.

Calendrier

• Clôture des candidatures le 9 avril 2025
• Auditions et jury les 14 et 15 avril 2025
• Session #01 du 2 au 28 juin 2025
• Lancement : 6 juin 2025 à la mairie
• Session #02 du 15 au 20 septembre 2025
• Restitution : les 19 et 20 septembre 2025 dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine

Conditions d’accueil

Une convention spécifiant les engagements respectifs de l’architecte mandataire, de la Maison de l’Architecture de Franche-Comté et des partenaires sera signée au commencement de la résidence.

Pour mener à bien leur travail, l’architecte mandataire et son binôme bénéficieront de :
• Une indemnité globale d’un montant de 10000 euros TTC (versée en 3 temps, au début, au milieu et à la fin de résidence) sur facture ou note d’honoraires.
• Un budget de production d’un montant limité à 5000 euros (sur justificatifs) alloué à la conception et la réalisation des outils et supports de restitution dans le cadre exclusif de la résidence.
Un espace de travail et un hébergement en gîte seront mis à disposition des résidents parla Commune.
Le binôme doit pouvoir être autonome dans ses déplacements et en frais de restauration. Il sera invité durant la résidence à déjeuner chez l’habitant mais aussi à la cantine scolaire et dans les différents restaurants du secteur.

partenaires

• Direction Régionale des affaires culturelles de Bourgogne-Franche-Comté
• Ordre des architectes de Bourgogne-Franche-Comté
• Edilians
• Formagraph Design
Avec le soutien opérationnel de la Mairie de Rougemont, de la Communauté de commune des Deux vallées vertes et de l’association Les architectes de la rénovation.

Dans le cadre du dispositif 10 Résidences d’architecture en France 2025, porté par le Réseau des maisons de l’architecture en partenariat avec :
• Ministère de la Culture
• Conseil national de l’Ordre des architectes
• Caisse des Dépôts

Pour tout besoin d’information, contacter la Maison de l’Architecture de Franche-Comté